Il y a des créations qui nous font prendre plus de risque que d’autres. Elles nous sortent de notre zone de confort. En quelques sortes, elles nous mettent en danger et remettent en question nos acquis.
Avec cet ensemble de lingerie, j’ai presque retrouvé la peur et l’incertitude de mes débuts en couture après 7 années de pratique. Mais avant cela, tout a commencé avec une inspiration…
MES INSPIRATIONS
Toujours dans un coin de ma tête, le point de départ de cette création a été la lingerie des années 50/60. Cependant, l’inspiration n’ait pas venu d’une image précise : c’est une esthétique particulière qui m’attire naturellement et presque systématiquement.
C’est rajouté à cet esprit vintage la sortie de la collection « Bridal » Printemps 2020 de la créatrice Monique Lhuillier. Inspiré par les contes, chacune de ces créations raconte une histoire et chaque photo les mettant en scène est un tableau. Celle qui a attiré mon attention, et qui a désormais trouvé sa place sur mon moodboard pour un long moment, est une robe à encolure Bardot qui semble d’une légèreté incroyable avec ses bords virevoltant.
Mais plus que ces inspirations, c’est avant tout la matière qui m’a guidée tout au long de la création. Plus que tout, j’avais besoin d’avoir l’étoffe entre les mains pour que l’idée de cet ensemble de lingerie se concrétise, autant dans ma tête que sur papier.
LES PREMIÈRES ÉBAUCHES
Afin de traduire ces inspirations en lingerie, un seul croquis a été suffisant pour m’indiquer la route à prendre. Je crois que ce modèle était dans ma tête depuis tellement longtemps que cette recherche de formes et de volumes était beaucoup plus fluide. D’ailleurs, vous pouvez constater que ce dessin n’est pas un réel croquis de recherche. Ce modèle coulait tellement de source que j’ai choisi de prendre le temps de le dessiner au propre à travers une « vraie » illustration.
Mais en lingerie, la question du confort est primordial et il est très important d’y réfléchir en long, en large et en travers. Selon moi, la lingerie d’aujourd’hui garde toujours l’idée du corset, de près ou de loin, malgré les matières fines et délicates qui peuvent être utilisées. De ce fait, les pièces, et notamment les soutiens-gorges, peuvent encore être contraignantes à porter.
C’est pourquoi j’ai eu envie d’avoir une approche différente avec ce modèle et d’exclure toutes les fournitures basiques de lingerie : baleines, larges élastiques de maintien,… Au-delà de mes inspirations, cette réflexion a profondément modelé les coupes et les volumes afin de créer un ensemble qui soit non seulement joli mais aussi agréable à porter.
LE CHOIX DES MATIÈRES ET DES COULEURS
La lingerie est le premier vêtement que nous portons. Parce qu’elle est au contact de la peau en permanence, le choix de la matière doit être pensé avec beaucoup de soin.
Pour cet ouvrage, le tulle a été une évidence. Néanmoins, il ne fallait pas n’importe quel tulle : un tulle très fin, léger, doux, presque comme un voile. J’ai été à la recherche d’un tulle plumetis blanc similaire à cette description pendant des mois, en vain. Puis, il y a quelques semaines, une de mes amies m’a fait cadeau d’un magnifique tulle plumetis blanc cassé, initialement destiné à la haute couture (encore merci si tu passes par là !). Vous pouvez imaginer ma joie de couturière en découvrant cette merveille !
Pour le reste des fournitures, je n’ai eu besoin que de boutons à recouvrir et d’élastiques de deux natures différentes. C’est là que j’ai découvert la particularité des élastiques de lingerie : en fonction de sa souplesse, chaque élastique a sa propre fonction. Mon choix s’est alors porté sur un élastique basique destiné aux bretelles de soutien-gorge ainsi qu’un élastique très souple à bord festonné que j’ai notamment utilisé pour la culotte.
LE PATRON
Avant de me lancer dans la confection, c’est posé la question du patronage. Cette étape a été facilité par le superbe livre « Coudre sa lingerie » de Katherine Sheers et Laura Stanford, deux anciennes stylistes de grandes maisons de couture spécialisées en lingerie. Les deux patrons du livre qui se rapprochaient le plus de mon croquis m’ont ainsi servie de base pour créer le soutien-gorge et la culotte.
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En plus du challenge de coudre un ensemble de lingerie avec une matière aussi délicate, je me suis lancée le défi de le faire sur-mesure. Ainsi, chacun des patrons ont été modifié, et en particulier le soutien-gorge qui n’a plus rien à voir avec le patron original. Pour vous faire une idée, ce dernier était initialement composé d’empiècements de dentelle, de baleines, d’agrafes corset, de bretelles réglables ainsi que d’une couture sur le milieu devant et d’une bande de côté assez large.
LA FABRICATION
LA CULOTTE
Lors de l’assemblage, j’ai choisi de commencer par ce qui était le plus simple et le plus familier pour moi. En effet, si vous me suivez depuis longtemps, vous savez peut-être que la création de culotte n’est pas une première : il y a quelques années maintenant, j’avais créé une collection de culottes brodées à la main que vous pouvez retrouver ici.
Même si la fabrication a été simple, elle n’a pas pour autant été rapide. Les fronces et les autres détails étant réalisés à la main, la confection a pris nettement plus de temps qu’à la machine. Cependant, mieux vaut prendre son mal en patience avec ce genre de matière délicate.
Second élément qui aura grignoté du temps : le papier kraft ! Bien que surprenant, le papier kraft m’a été très utile lors de chaque couture. En effet, pour ne pas que le tulle s’accroche dans les griffes de la machine, une couche de papier kraft est vivement recommandé afin de coudre sans prendre le risque qu’un fil soit tiré.
Cependant, après couture, il n’est pas rare de voir de nombreux petits bouts de papier coincés entre chaque point. Il faut donc les retirer un par un à la pince à épiler… Et cela prend un temps fou !
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Cette culotte cache également une petite particularité. La matière du gousset est entièrement recyclée et provient en réalité d’un vieux vêtement.
LE SOUTIEN-GORGE
Cette partie a été la plus longue, autant pour le patronage que pour la fabrication. Et pour cause, cela a commencé sur un faux départ : une petite erreur de patronage qui a bien failli compromettre la suite.
Contrairement à la pièce précédente, je n’avais jamais cousu de soutien-gorge avant cette réalisation. J’avais donc une très vague idée de ce à quoi pouvait ressembler un patron de soutien-gorge. Pour la première fois depuis très longtemps, je me suis retrouvée seule face à une infinité de choses à apprendre. Et c’est tant mieux puisque cela m’aura énormément apportée !
Que cela soit dans les fournitures ou dans les techniques, j’ai voulu créer une vraie cohérence entre les deux pièces. C’est donc tout naturellement que j’ai réalisé et cousu les fronces à la main, tout comme pour la culotte. Quant à elles, les brides de la boutonnière sont également brodées à la main.
À noter : En lingerie, il est vivement conseillé de coudre un maximum de choses à la main. D’un point de vue esthétique, cela permet de mettre l’accent sur la délicatesse de la matière. Tandis que d’un point de vue purement technique, la couture à la main permet de ne pas abimer le tissu, notamment lors de la réalisation de fronces. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le résultat n’en est pas moins résistant.
La lingerie a également une particularité : aucune couture ne doit se sentir pour ne pas irriter la peau. C’est pourquoi j’ai choisi de réaliser les principaux assemblages en couture anglaise, toujours en utilisant la technique du papier kraft. De plus, l’ensemble étant entièrement transparent, les finitions intérieures étaient tout aussi importantes que l’aspect extérieur.
Pour rester dans la technique, ici aussi, le soutien-gorge contient un élément recyclé. Les petites parementures servant à renforcer la boutonnière proviennent du même vêtement que le gousset. Du fait de la finesse du tissu, ces parementures aident à la résistance des coutures des boutons et des brides.
Enfin, petit détail qui a son importance, surtout en lingerie : le fil utilisé est certifié Oeko-Tex, et donc sans danger pour la peau.
SI C’ÉTAIT À REFAIRE ?
Je n’ai peut-être pas le recul nécessaire aujourd’hui et je trouverai sans doute des mille choses à mieux faire demain. Mais à l’heure à laquelle je vous écris ces lignes, je referai exactement la même chose.
Avec les années d’expérience, les doutes s’effacent. Non pas que l’on ait connaissance de tout, bien au contraire. Mais à force de répéter le même schéma, en cas d’erreur, on sait comment rebondir. Mais lorsqu’on sort de ce schéma, on se retrouve confronter à nos limites. Et c’est une bonne chose !
Lorsqu’on a l’habitude de réussir du premier coup, cette confrontation est frustrante. Cependant, rien ne nous fait plus progresser et c’est exactement ce que je recherchais avec ce challenge !
Alors si c’était à refaire, ce serait sans doute plus fort que moi d’éviter les erreurs de patronage du début. Mais sans elles, je n’en aurais pas appris autant sur la manière dont se construit la lingerie. En conclusion, aventurez-vous là où vous ne pensiez pas aller et vous n’en serez que plus fort de cette expérience !
J’espère que ce nouveau rendez-vous vous a plu ! Rendez-vous le mois prochain pour découvrir en détails les dessous d’une nouvelle création !
Laparenthesedor
Punaise je suis impressionnée ! Quel talent !
Je suis ton blog depuis un petit moment c’est impressionnant les changements,
L’évolution
Bon à voir pour la tulle que tu utilise car celle de chez Naf Naf sur leur robe j’en ai horreur ! Et pourtant c’est ma marque chouchoute !
rosecapsule
Merci beaucoup pour tous ces compliments, ça me fait super plaisir que cette création te plaise !
En ce qui concerne le tulle, il faut savoir que le tulle utilisé pour les vêtements est très différent de celui utilisé en lingerie (plus rigide, plus rêche, etc). Comme je le dis dans l’article, ici, j’utilise un tulle très doux et extrêmement fin. De plus, le tissu est à l’origine destiné au luxe et à la haute couture, ce qui n’a rien à voir avec ceux que l’on peut trouver en prêt-à-porter qui sont souvent d’origine synthétique 🙂
Pêche
Wahou c’est tout simplement magnifique… bravo, vraiment ! Bisous !
rosecapsule
Je te remercie pour ces compliments, ça me touche énormément !
Bisous
Céline
Hello 🙂
Très sympa ton article. Je n’oserai jamais coudre de la lingerie (il faudrait déjà que j’essaie avec un t-shirt à mon avis ^^’)
C’est super ce que tu as fait, tu peux être fière de toi, bravo 🙂
rosecapsule
Hello 🙂
Effectivement, c’est toujours mieux de commencer par le commencement, d’autant plus que la lingerie est un domaine très particulier avec ses propres règles et ses propres techniques. Mais comme on dit, ne jamais dire jamais ! 😉
En tout cas, merci beaucoup !
Elise
Quel travail minutieux, tu as des mains de fée. Ma grand-mère était couturière elle créait entre autre des maillots de bain et je sais que la lingerie est un travail de titan.
rosecapsule
Oh mais merci beaucoup, je suis ravie que cela te plaise à toi aussi ! Ta grand-mère avait l’air d’être quelqu’un de très talentueux pour créer des maillots de bain et de la lingerie. Cela demande tellement plus de minutie et de patience que la couture « traditionnelle »… J’aurais adoré voir ses créations ! 🙂
Lola Plumeti
Hello ! La délicatesse de cet ensemble, c’est incroyable. Un ouvrage magnifique. Bravo ! 🙂
rosecapsule
Hello ! Merci beaucoup pour ces mots, ça me touche énormément !